Test PS2 > Musashi : Samurai Legend
Avant de se jeter dans les méandres pixélisés du jeu vidéo, il peut être important de resituer le personnage de Musashi. Outre sa déclinaison vidéoludique fort fantasmée, cet homme a réellement existé, archétype légendaire du maître de sabre japonais. Portant le nom de Miyamoto Musashi, il fut l'un des plus grands bretteurs du XVIIème siècle, aux côtés d'un certain Sasaki Ganryu ou encore Mitsuyoshi Yagyu. Principal intervenant du célèbre roman de E.Yoshikawa, La Pierre et le Sabre, ce grand combattant est l'instigateur du Mikiri, "technique" s'étendant sur la perception de la situation des choses et le statut de l'adversaire. Il est de ce fait aisé de retrouver d'une part certains personnages historiques et d'autre part cette philosophie dans le titre de Square-Enix. Une fidélité intéressante, qui cache de plus un fond non moins passionnant.
Comment est-ce arrivé ? Pourquoi notre monde se voit-il rongé par la technologie et gangrené par la volonté caustique de dirigeants dont le profit tient lieu de morale ? La dégradation n'a pourtant durée que quelques années, un temps où nous nous plaisions à croire en une révolution, en la solution de décennies d'un confort très relatif. Mais désormais, notre seule patrie semble être le sage Anthedon survolant les terres dévastées, portée par sa grâce rassurante. C'est pour cette raison que nous, le peuple d'Antheum avons fait appel à toi Musashi. Grand guerrier d'une lointaine époque, tu es le seul à pouvoir réparer nos péchés par ton sens de l'honneur et ta dévotion humaniste. Voici comment débute l'histoire d'un jeune samouraï, parachuté dans un univers dont il ignore jusqu'aux règles de vie, et dont il devra malgré tout défendre les intérêts. Si cette entrée en matière un peu brutale rappelle le comics Snikt ! De Tsutomu Nihei, le déroulement suivant ces faits, et surtout l'ambiance permettent de trancher une limite nette entre ces oeuvres vidéoludiques et littéraires. Vous êtes donc allongé, nu, dans une forêt paisible, veillé par un maître vénérable revêtant l'apparence d'un chat à la longue barbe. C'est lui qui vous apprendra les rudiments du combat et qui vous enseignera les rouages d'un monde effrayant. Votre tâche, vous l'apprendrez bien assez tôt, est en fait de libérer cinq princesses et autant d'épées sacrées, dans le but de contrecarrer les plans des Entreprises Gandrake. Ces dernières exploitaient en fait depuis de nombreuses années un matériau spécifique, nommé nébulium. Possédant des capacités étonnantes, il permit entre autres d'améliorer nettement la qualité de vie des êtres humains et de les faire sortir de la torpeur moyenâgeuse dans laquelle ils se trouvaient. Gandrake, considéré alors comme une sorte de libérateur, prit connaissance des Mystiques et surtout de leurs Prêtresses. Remarquant que le nébulium réagissait dans des perspectives inimaginables avec ces dernières, augmentant nettement la puissance délivrée, il décida alors d'enfermer chacune des jeunes femmes dans une des cinq mines disposées sur les cinq continents principaux de la planète. C'est donc à ce moment précis que vous intervenez, débutant votre croisade par la recherche de Mycella, grande prêtresse d'Anthéum. A ce moment de la trame, et si vous connaissez un tant soit peu la série Final Fantasy, évoquer des rapports avec FF7 ne vous paraîtra pas anodin. En effet, comment ne pas voir le mako au creux du nébulium, et la Shinra dans l'ombre des Entreprises Gandrake. De plus, l'ambiance générale rappelle en tous points le chef d'oeuvre de Square, mêlant technologie déshumanisée et paysages certes gorgés de nature, mais empreints d'une certaine nostalgie, dans un ensemble titrant clairement vers un côté Steam-Punk lorgnant vers le Cyber-Punk. En outre l'épée de Musashi par défaut, ressemblant étrangement à l'épée broyante de Cloud, ainsi que la phase de poursuite en moto digne de la fuite de Midgard, viennent sceller cette inspiration manifeste, qui ne peut que charmer l'accroc au septième épisode d'une des plus grandes sagas du RPG.
Un petit côté Shinra non ? D'ici à ce qu'une vendeuse de fleur mal habillée vienne me harceler...
Mais la comparaison s'arrête cependant prématurément dès lors que l'on pénètre dans les entrailles de ce Samurai Legend. En effet, nous avons à faire ici avec un A-RPG détonnant, dans la lignée de Kingdom Hearts ou encore de Secret Of Mana pour ne citer que ces deux petites merveilles. Reprenant les grandes lignes de son glorieux et original ancêtre nommé Brave Fencer Musashi, Samurai Legend va donc vous confronter au maniement du sabre et de l'épée. Effectivement, loin de se cantonner à son arme traditionnelle, notre ami à la longue chevelure devra également connaître les rudiments des outils offensifs légendaires qui lui seront confiés. Chacun d'entre eux représente en fait un élément, à savoir le feu, la terre, l'air, et l'eau, le cinquième "genre" étant représenté par le néant (à l'opposé du ciel du précédent épisode). Il faut en outre savoir que les pouvoirs contenus dans ces lames ne vous serviront pas essentiellement à attaquer, mais également à résoudre des énigmes au sein des divers donjons, d'où l'importance de connaître parfaitement leur fonctionnement. De même, certains ennemis seront plus sensibles à tel ou tel élément, ce qui vous obligera à constamment varier vos attaques, par le biais d'un raccourci fort utile, évitant de passer par la case menu. Le reste du gameplay revêt une apparence plus classique, offrant des capacités de saut, d'assauts normaux et d'enchaînements limités, déclenchés par plusieurs pressions en rythme sur la touche d'attaque principale. Pourtant, le plaisir glisse sensuellement le long de l'âme, tant les affrontements sont mis en scène intelligemment. Il n'est en effet pas rare qu'une attaque mortelle parvienne à couper un ennemi en deux exactement à l'endroit où le fil de votre sabre vient de s'enfoncer, ou qu'un androïde sur le point de mourir continue son chemin en se désagrégeant au fur et à mesure dans un effet graphique semblable à celui du long métrage Blade. D'autre part, vous pourrez, une fois une combinaison achevée sur un opposant, vous retourner automatiquement et occire d'un seul revers le pleutre attendant son tour dans votre dos. Une réelle chorégraphie se met en place, offrant des moments de bravoure ponctués d'une dynamique graphique extrêmement prenante, même si la répétitivité des actions tend à alourdir le tout. Néanmoins le plus important, reste la technique d'apprentissage des coups de l'adversaire, à l'image du fonctionnement de la matéria "talents de l'ennemi" dans FF7. Issu lui aussi de Brave Fencer, ce principe légèrement simplifié offre la possibilité d'assimiler les coups adverses par le biais d'une manipulation nécessitant tout de même un certain apprentissage. En résumé, il vous incombe tout d'abord de locker un opposant avec le bouton R1, afin de vérifier sa compatibilité avec cette méthode. Si un cercle bleu s'expose au centre de la cible il ne vous reste plus qu'à maintenir la touche en question jusqu'à ce qu'une jauge disposée sur la droite se remplisse. De fait, dès que cet opposant posera sa main, son canon, ou sa griffe sur vous, vous apercevrez un point d'interrogation au-dessus de la tête de Musashi. A cet instant précis, vous devrez presser la touche "carré" afin de figer l'écran. Suivez ensuite les instructions affichées et vous obtiendrez ce cadeau tant espéré. D'un nombre assez impressionnant, ces capacités secrètes ne vous seront pas toutes d'une grande aide, mais permettent néanmoins de varier convenablement les approches de diverses situations. Une très bonne idée en tout cas, proposant tout de même trois types de spécificités à collecter, allant de celles plus portées sur l'attaque jusqu'à celles défensives, en passant par certaines orientées vers l'esquive. Une base de données très conséquente donc, qu'il faudra pourtant utiliser avec soin, nécessitant en effet pour la plupart des points de magie importants, également dans le cas des épées sacrées. D'autant que ces talents de l'ennemi se transforment en un système de contre-attaque dès que l'un d'entre eux est assimilé, ajoutant encore un peu de profondeur à la jouabilité.
Un personnage très charismatique qui rappelle un peu le Père Grissom de Vagrant Story
A ce propos, la construction du soft, malgré certaines grosses redondances, se voit affublée de nombreuses phases originales, tranchant avec la progression classique reposant sur le triptyque donjon-princesse-épée relativement peu inventif. Vous aurez en effet à combattre un ver géant à dos de scarabées, à prendre d'assaut un train, à défier des motards enragés sur un bolide furieux, ou encore à vous échapper du joug de pilotes d'aéronefs plus que rapides. Une variété salvatrice, qui donne un rythme plus nerveux qu'on ne le pense de prime abord, sauvant le titre d'une attaque en règle de la lassitude. Car il faut tout de même noter que le fait de revenir plusieurs fois dans le même endroit, chercher un objet ou effectuer un défi que l'on aurait très bien pu clôturer lors de sa première visite reste on ne peut plus frustrant, voire lassant. Pour autant, on peut toujours découvrir de nouveaux talents, de nouveaux environnements, offrant un moteur assez convaincant pour retenter l'aventure. De plus, le côté un peu poussif de Musashi en agacera plus d'un, même si l'on se fait à cette donnée à la longue sans véritables heurts. Car même si la profondeur du soft peut parfois exposer des failles dans lesquelles s'engouffrer, il possède une ambiance tellement accrocheuse et de si bonnes idées qu'il surpasse aisément ses considérations. Tout de manga shading (technologie développée pour le jeu) vêtu, offrant un rendu proche de Dark Chronicle en un peu plus fin, Samurai Legend se place dans le territoire parfumé des plus beaux titres PS2, parvenant à poser les bases d'un univers enchanteur, mêlant des inspirations de Wind Waker, de Megaman et de FF7. Rarement une gestion de la couleur n'a été aussi poussée, offrant des tableaux sucrés, avides de dégradés savamment dosés et d'une luminosité un tantinet mise en avant pour sublimer le propos onirique. La recherche et l'originalité graphique donnent lieu à de multiples voyages contemplatifs, rencontrant parfois l'émotion d'un personnage exhalant littéralement un charisme électrisant. Offerts aux crayons de Nomura Tetsuya, célèbre pour ses participations à FF7, FF10, Parasite Eve 1 et 2, The Bouncer ou encore FF8, les protagonistes de Samurai legend (du moins pour les principaux), sont parmi les plus belles créations de ce chara-designer. Au final donc, Samurai Legend est un titre certes pas exempts de défauts, mais qui charme et propose ce trait de caractère particulier qu'on ne retrouve pas dans les productions de masse.